Newsletter of Phenomenology

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La physiologie de l'imagination vers 1800. Du rapport entre la physiologie et l'esthétique de l'autonomie chez Tieck et Novalis

Caroline Welsh

pp. 165-184

Avec les propos tenus sur la musique instrumentale dans les Fantaisies sur l’art de Tieck et Wackenroder, le centre d’intérêt se déplace dans la littérature allemande du premier romantisme ; on passe à une esthétique musicale de l’imitation et du sentiment à une conception de la musique comme système autonome et refermé sur lui-même. Cela va de pair avec une conception divergente sur l’effet de la musique sur le corps et sur l’âme. Si l’esthétique musicale du sentiment se fondait sur l’idée qu’il existait un effet corporel direct de la musique, provoqué par l’ébranlement des nerfs qui, selon le modèle de la résonance de cordes réglées en harmonie, plaçait l’âme du récepteur dans l’état d’esprit désiré, la musique, dans les Fantaisies sur l’art publiées en commun par Tieck et Wackenroder, n’agit plus sur les nerfs, mais sur l’imagination. Ce changement, c’est notre thèse, doit être compris comme une réaction aux conséquences sous-jacentes, pour la théorie du sujet, d’une telle explication psychophysiologique de l’effet de la musique sur l’âme. Car la représentation d’une transition entre le corps et l’âme sape le concept d’une âme autonome.Si la représentation que donne Tieck de l’effet de la musique instrumentale est pertinente, c’est qu’à la place d’un lien sympathique entre des vibrations nerveuses et des états d’esprit, il postule un effet de la musique sur l’imagination poétique, effet qui mène à la production d’images individuelles relevant du fantasme et de l’hallucination. On ne se contente pas, de la sorte, d’établir la musique instrumentale comme un art autonome, sans lien avec une esthétique du sentiment ni avec une esthétique de l’imagination. Avec la représentation de l’effet de la musique sur l’imagination, le sujet, comme récepteur de la musique, retrouve aussi son autonomie.Novalis, lui aussi, réagit en termes critiques à l’idée d’une résonance entre les nerfs et les vibrations de l’âme. Outre l’imagination, il souligne surtout la signification de l’attention comme faculté de régler à son gré l’excitabilité des nerfs. Sa localisation physiologique de l’imagination, la détermination de sa fonction dans la perception sensorielle, mais aussi dans la représentation poétique de l’esprit ne s’inspire cependant plus du modèle de la résonance, mais d’un modèle lié à la figuration des mouvements de l’esprit, à la lisière entre le corps et l’âme. La signification de ce « modèle des figures sonores » est présentée par le biais d’une interprétation de la signification poétologique et physio-sensorielle du « texte miraculeux » dans les Disciples à Sais.

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.871

Full citation:

Welsh, C. (2001). La physiologie de l'imagination vers 1800. Du rapport entre la physiologie et l'esthétique de l'autonomie chez Tieck et Novalis. Revue germanique internationale - ancienne série 16, pp. 165-184.

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