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Le Laocoon à l'époque préromantique et romantique en Allemagne

Ernst Osterkamp

pp. 167-179

Le but de la présente étude est d’analyser les interprétations du Laocoon fournies par certains représentants du Sturm und Drang et du premier romantisme allemand. Depuis la parution de la Geschichte der Kunst des Altertums de Winckelmann à la fin de l’année 1763 et du Laokoon de Lessing en 1766, le débat sur le Laocoon, qui s’était jusqu’alors appuyé sur un étroit réseau de références textuelles, est sans cesse troublé par des intervenants qui se réclament du contact visuel direct avec l’œuvre. Wilhelm Heinse fournit de cette attitude un exemple éloquent, lui qui utilise l’expérience de son voyage en Italie pour insérer dans son roman, Ardinghello (1787), une description provocatrice du groupe. Prenant le ferme contre-pied de l’interprétation winckelmannienne, Heinse fait du Laocoon un paradigme de l’esthétique du génie. Pour lui, cette sculpture n’illustre nullement le concept idéal de la force d’âme et la règle esthétique de l’expression tempérée, mais bien au contraire l’effroi le plus violent et l’affect le plus fort. Dans l’interprétation de la figure aussi, Heinse s’écarte de Winckelmann : suivant la tradition de Servius, Laocoon est à se yeux puni pour « s’être, par intempérance, uni à sa femme dans le temple d’Apollon ». On retrouve cette rupture avec l’esthétique classique dans les Reisen eines Deutschen in Italien (1792-1793) de Karl Philipp Moritz, un auteur dont la vision du Laocoon présente d’étonnants points communs avec celle de Heinse. Néanmoins, ces lectures du Laocoon, qui auraient pu fournir d’importantes impulsions aux débats esthétiques de l’époque, restèrent sans écho. Il est remarquable qu’une décennie plus tard les véritables élèves de Heinse et de Moritz, c’est-à-dire la génération des romantiques, ne se soient pas réclamés de ces interprétations lorsqu’ils se mirent à formuler leur propre doctrine esthétique. C’est notamment le cas chez Friedrich Schlegel, qui resta avec acharnement un pieux winckelmannien. Un seul texte se détache massivement dans ce paysage dominé par la tradition winckelmannienne, à savoir une description esquissée par Novalis dans le Allgemeines Brouillon de 1798-1799.

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.950

Full citation:

Osterkamp, E. (2003). Le Laocoon à l'époque préromantique et romantique en Allemagne. Revue germanique internationale - ancienne série 19, pp. 167-179.

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