Newsletter of Phenomenology

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La vie comme roman. Transformations médiales du fictif entre classicisme et romantisme

Britta Herrmann

pp. 47-68

Le lien constitutif entre l’observation de soi (« l’expérience »), l’édification et le divertissement dans le genre « mixte » qu’est le roman, la prétention à représenter la vie (empirisme), les garanties (fictives) d’authenticité proclamées dans les avant-propos, les (auto)biographies camouflées en romans, et le recours de plus en plus fréquent aux sujets historiques paraissent effacer peu à peu, au cours du xviiie siècle, les frontières entre la réalité et la fiction. Dans la mesure où la vie elle-même et « toute chose » devient roman (Novalis, Hippel), tout être humain accède au statut d’auteur potentiel de soi-même. Au bout du compte, toute perception quotidienne est préfigurée par des structures narratives.C’est le revers d’une « manie de la lecture » et de sa conséquence, l’extension mediale du réel vers le virtuel. Mais de la même manière que le roman devient, d’une part, la « pitance » d’une « faim d’illusion matérielle », comme l’écrit Sendling, faim qui trouve, on le sait, son expression pathologique dans l’exaltation, une nouvelle frontière s’établit aussi entre fiction et facticité ; non seulement dans la mesure où l’exalté, avec ses « idées romanesques », pour reprendre l’expression de Moritz, se heurte toujours très rapidement aux frontières factuelles des réalités virtuelles, mais aussi parce que, d’un point de vue esthétique, on donne un nouveau fondement (pour ainsi dire anti-naturaliste) à la distinction entre la réalité et « l’apparence ».Trois aspects centraux de la modernité trouvent ainsi leur catalyseur, sinon leur origine, dans le débat sur le roman autour de 1800 ; la distinction esthétique entre la fiction et la réalité, qui se ranime vers 1900 ; la constitution narrative de soi, sur laquelle se fondra plus tard Sigmund Freud pour ses « cures de parole » ; et la médialisation de l’expérience, qui, au xxe siècle « virtuel », requerra de nouveau l’attention.

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.858

Full citation:

Herrmann, B. (2001). La vie comme roman. Transformations médiales du fictif entre classicisme et romantisme. Revue germanique internationale - ancienne série 16, pp. 47-68.

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